Mais dans la pratique, les moyens financiers et humains alloués à l'application de la loi seront largement et délibérément insuffisants.
Par exemple en France, le législateur a créé la Commission Informatique et Libertés (CNIL) pour protéger les libertés individuelles contre les fichiers informatiques abusifs.
Mais dans le même temps, le budget alloué à la CNIL ne lui permet de payer qu'une vingtaine d'inspecteurs (dont seulement 2 informaticiens!) pour surveiller l'ensemble des administrations et entreprises françaises. En 22 ans et sur 33.000 plaintes, la CNIL n'a délivré que 47 avertissements et n'a transmis que 16 affaires à la Justice.
Même en cas de poursuites, la peine encourue se limite à une amende dérisoire comparée au pouvoir et aux profits rendus possibles par les fichiers illicites.
A l'inverse, un citoyen ordinaire qui jouerait au pirate informatique à l'encontre d'une multinationale est assuré d'être condamné à la prison et à une forte amende.
La règle générale est que pour les dirigeants et les organisations du pouvoir économique, on laisse la liberté totale de s'enrichir en exploitant et en détruisant des vies par la misère ou la pollution. On leur accorde aussi la liberté de détruire la nature, les forêts, les paysages, la bio-diversité, condamnant du même coup notre avenir et celui des générations futures, perpétrant ainsi un crime contre l'humanité et contre le monde vivant dans son ensemble.
Pour les autres, pour le petit contribuable soupçonné d'avoir fraudé le fisc d'une somme dérisoire, pour le contrevenant au code de la route ou à l'une des nombreuses réglementations s'appliquant au citoyen ordinaire, on prévoit des peines rigoureuses et des agents administratifs efficaces et en grand nombre.
Aux uns, on accorde toujours plus de "déréglementation" et de "libéralisme". Pour les autres, on prévoit une réglementation toujours plus abondante et contraignante.
Ainsi le citoyen ordinaire doit avoir un pot catalytique sur sa voiture, il doit passer un contrôle technique pour avoir un véhicule sûr et non-polluant. Il doit trier ses déchets.
Dans le même temps, les normes de pollution industrielle sont laxistes, les transporteurs routiers font rouler au-delà des heures réglementaires des camions polluants et dangereux, et les armateurs font circuler des poubelles flottantes sur les océans.
Le citoyen doit respecter des normes scrupuleuses pour obtenir le permis de construire de sa maison, alors que l'industriel peut enlaidir l'environnement avec ses usines ou ses hypermarchés construits au moindre coût et donc sans aucun soucis d'esthétique ou d'intégration dans l'environnement.
Le citoyen ordinaire ne doit pas non plus causer de nuisances sonores, alors que les entreprises de travaux publics peuvent empoisonner librement la vie des personnes avec le bruit de leurs machines de chantier.
De même, la vente de drogue par des petits trafiquants est sévèrement réprimandée, mais les industries agro-alimentaires et pharmaceutiques ont toute la liberté d'empoisonner des populations entières avec:
- les tranquillisants et les somnifères dont l'effet d'accoutumance est similaire aux drogues dures
- les médicaments aux effets secondaires reconnus
- les pesticides répandus dans l'environnement et dans l'eau
- les produits chimiques cancérigènes présents dans l'alimentation
- les viandes frelatées et saturées en hormones, antibiotiques, et anxiolytiques
- les OGM dont l'innocuité est loin d'être prouvée
Le citoyen ordinaire est invité à respecter la faune et la flore lorsqu'il se trouve dans un site naturel. Mais dans le même temps, des décharges industrielles illégales sont tolérées, et des sites naturels magnifiques sont saccagés pour l'exploitation forestière, ou pour des projets immobiliers ou industriels.
Le citoyen ordinaire est encouragé à la tolérance, au respect des autres. Mais pour les dirigeants économiques, la vie humaine est évaluée en dollars, et sa valeur estimée est négative pour les personnes "à la charge de la société".