Yves Bessas
"Sensation de la glisse... Il y a de l'harmonie, ça c'est sur, quand les conditions sont parfaites. Autrement c'est une recherche de vitesse, des sensations fortes, très fortes quand c'est gros, et puis aussi le besoin de trouver une forme d'équilibre dans l'instant, qui fait que tu oublies...
Je crois que quand tu rentres dans un tube tu oublies tout... C'est comme si tu te projetais dans le futur, dans le trou qui est au bout, par lequel tout ton corps, tout ton esprit va tendre.
"Un jour, j'étais en Polynésie sur une vague que j'aime beaucoup à Moorea, à Apiti; et ce jour là, je me demandais si je rêvais ou si je vivais.
C'est vraiment sentir la plénitude, comme si on était proche de la perfection; pas que l'on soit parfait, mais que tout autour de soi est devenu parfait."
Joël de Rosnay
"Je crois que tous les sports de glisse sont des sports qui vous mettent en harmonie avec la nature et en harmonie avec vous-même.
C'est à dire que plutot que de se battre contre quelqu'un, ou une équipe contre l'autre, on essaye, non pas de se battre avec les élements, mais d'être complice avec les éléments.
Toutes ces relations intimes avec la nature, avec la force de l'océan, avec la force de la montagne, avec la force des vents, vous conduisent à une certaine complicité, je dirais à une sorte de partenariat avec la nature. On se sent beaucoup plus près, on se sent plus unifié, beaucoup plus "un", et tous ces mouvements sont considérés comme des rythmes naturels qui sont très inspirants."
Pierre Mayol citant un poème:
"Essaie d'être aussi vrai qu'un arbre dans le vent...
L'unité essentielle -au sens étymologique du mot- repose en toi.
Ne trouble pas le beau miroir d'eau,
si tu veux retrouver en lui l'image même de la vie,
et non pas la matière inhumaine de mille silences particuliers."
"Le Tao, c'est la saisie directe, c'est le coté magique des choses. Il nous dit, et c'est vrai, que tout n'est que magie autour de nous. Le fait que je soit là, en train de vous parler, que nous soyons là, que nous conservions nos formes, le fait que nous ayons une forme tient de la magie. C'est inexplicable de manière rationnelle.
Ce qu'il y a de beau dans le Tao, et c'est l'une des raisons pour laquelle toute une jeunesse sportive, en particulier de surfers, essaye de retrouver au contact de la nature l'intuition directe d'une réalité transcendante."
Jacques Mayol
"Quand je m'immerge, je suis en plein dans le Tao, je suis en plein dans le milieu, j'oublie complètement le fait d'être appelé homme, ou d'avoir un nom, une individualité, un passeport, ou même comme le disait Pierre, une forme. Je n'ai plus de forme. Je suis une espèce de rouage, de rouage cosmique, voyez-vous..."
Pierre Mayol
"Nous vivons dans un monde défini. C'est à dire que nous avons tous nos limites, qui ne sont qu'apparences, mais tout est limité. Nos sens nous donnent un sens de la vie. C'est à dire que je vois Jacques, je vous vois, je vois une pierre, mais en fait, tout cela ne sont que des sensations. C'est à dire que si vous allez au-delà de tout cela, il n'y a plus rien.
Dans notre philosophie, dans notre métaphysique occidentale, le Tao, ce n'est rien d'autre que ce qu'on appelle l'absolu, c'est à dire ce qui est totalement inconditionné. Le seul mot que l'on puisse aussi utiliser, c'est l'infini. Non pas l'infini mathématique, où l'on dit: il y a "plus l'infini", "moins l'infini", etc... Non. L'infini ne peut pas être défini de quelque manière ou approche que ce soit. C'est cela le Tao."
Jacques Mayol
"A partir du moment où vous essayez de définir l'indéfini, c'est fini!
Un autre exemple: la parole. Je viens de passer 3 semaines en compagnie d'un dauphin sauvage du nom de Jojo. Et bien, je vous assure qu'avec Jojo, vous n'avez absolument pas besoin de paroles. C'est quelque chose de... qui n'a pas de définition, qui n'a pas de limites, mais vous vous entendez très bien. Vous comprenez? Voilà."
Moebius
"Chaque fois qu'on est en contact avec la nature c'est la même histoire qui apparait, c'est le surf, c'est comment entrer en contact avec l'insondable. Que ce soit à travers un chat, ou des insectes, ou à travers les arbres, ça nous fait entrer en résonnance avec la partie de nous qui est reliée à la nature et à travers ce canal, on a une chance peut être d'entrer en contact avec le Tout, je veux dire l'Unité...
Parfois on ne s'en rend pas compte, c'est quelque chose qui arrive peut-être plus facilement et plus fort si on ne le cherche pas. Ca vient comme une bouffée... et en général c'est quelque chose qui arrive plus facilement quand on est enfant. Moi j'ai des souvenirs d'enfance ou je me promenais le long d'une voie de chemin de fer où il y avait des lézards au soleil l'été, des coquelicots, des herbes folles... Et d'un seul coup la chaleur, les odeurs, me faisaient entrer dans une sorte d'extase, je sais pas, qui n'a pas de nom, qu'on pourrait appeler mystique, mais qu'est-ce que le mysticisme quand on a 8 ans ou 10 ans, hein?... Ou même le reflet des rayons du soleil dans un verre d'eau, je sais pas, c'était un canal. Et alors après on peut retrouver ça, toute sa vie."
"Le surf, c'est avoir cet espèce de sens de l'équilibre comme guide, qui fait que les événements de la vie qui sont les vagues, qui sont les fluctuations des vagues, ne sont jamais considérées comme des obstacles mais comme des supports à trouver un équilibre, comme des raisons, des aides sur lesquelles appuyer la planche et qui vont permettre d'être droit, et d'être sur la crête de la vague.
Et à ce niveau là, il n'y a pas de mauvais événements... Tout est bon pain, ou bonne vague!
Quand on voit les surfers ils tombent, ils remontent sur la planche et puis ils retombent, ils remontent; et ils n'ont jamais peur de tomber puisqu'ils savent qu'en tombant , bon qu'est ce qu'ils risquent? Ils risquent de se mouiller... C'est la même chose dans la vie, quand on commence à être surfer dans la vie, on tombe, on est ruiné, bon, ben on est ruiné... On remonte sur la planche, et on refait fortune! Et puis comme ça tout le temps, tout le temps..."
Jacques Mayol
"Le surf correspond en effet au concept Zen de saisir le moment, cette chaîne de moments qui deviennent à la fin toute une vie, quoi... Sans trop s'attarder, en acceptant les pour et les contre, le bien et le mal de ces moments. Et dans le surf, vraiment, je pense, on attend la prochaine vague, comme dans la vie on attend la prochaine vague, on vit d'espoir, et l'espoir fait vivre.
Et
là comme dans le surf, on S'ABANDONNE.
Voila. Derrière tout ça, c'est le
Zen, c'est le "lâcher-prise".
Lâcher-prise: s'abandonner. S'abandonner
à la nature, aux forces de la vie, aux
grandes forces de la nature, les vagues, la mer, le
ciel... Je comprends aussi ceux qui se jettent des
montagnes avec leurs ailes volantes, ça
c'est le Tao..."
Joël de Rosnay
"En fait le surf, c'est un peu comme la vie. On est porté par une vague qui est le temps, et qui vient mourir sur un rivage, c'est la fin de sa vie. Et en même temps, c'est un mouvement chaotique formé de myriades de molécules d'eau tourbillonnantes, et ce tourbillon on essaye de lui échapper pour aller vers l'eau verte, l'eau propre, la vague qui n'a pas encore cassé.
Et dans beaucoup de situations de la vie, on se retrouve dans les mêmes conditions. Il y a des situations chaotiques pour lesquelles les méthodes traditionnelles du déterminisme, de la prévision (où "les mêmes causes provoquent les mêmes effets"), ne permettent pas de résoudre la complexité de ce que l'on a devant soi. Il faut donc apprendre à surfer des situations chaotiques, discontinues, floues: le monde dans lequel on est entré aujourd'hui.
Il y a une d'ailleurs une notion mathématique tout a fait passionnante qui s'appelle le chaos déterministe, qui montre que des myriades d'éléments peuvent s'organiser en une forme qui nous parle, qui nous dit quelque chose, comme des nuages par exemple, la flamme d'une bougie, ou un jet d'eau.
Et une vague, c'est exactement ça; c'est un chaos déterministe qui donne une forme à la vague, mais qui est fait de myriades de molécules d'eau et sur lesquelles pourtant on se déplace.
Donc je crois qu'il faut parvenir à trouver les moyens de surfer la vie en équilibre, dans un équilibre permanent, dynamique, qui se reconstitue sans cesse, plutôt que toujours essayer de prévoir le lieu ou l'on va être, parce que les conditions changent et l'environnement aussi."