21.03.2010
Le 17 mars, France 2 a diffusé un documentaire de Christophe Nick qui montre un jeu TV baptisé "La Zone Xtrême", un quiz opposant deux candidats qui reproduit la fameuse expérience réalisée eu début des années 1960 par Stanley Milgram pour tester l'obéissance à l'autorité.
L'expérience de Milgram consistait à faire croire à deux cobayes qu'ils allaient participer à une expérience sur la mémoire. L'un devrait mémoriser une suite d'association de mot, puis l'autre l'interrogerait et lui administrerait un choc électrique en cas de mauvaise réponse. Un tirage au sort déterminait qui jouerait le rôle du questionneur et de l'interrogé.
Mais en réalité, l'un des cobaye est un comédien travaillant avec Milgram et le tirage au sort est truqué afin que le seul vrai cobaye soit dans le rôle du questionneur.
Très vite, le comédien se trompe dans les réponses, et le questionneur doit envoyer une décharge électrique de plus en plus forte à chaque nouvelle réponse erronée. Ca commence à 20 volts, en augmentant de 20 à chaque fois pour finir à une décharge mortelle de de 380 volts. Le questionneur ne peut pas voir celui qu'il interroge, placé dans un local séparé, mais grâce à un haut parleur, il entend ses réponses... ou ses cris de douleurs et ses supplications d'arrêter. Lorsqu'il hésite à administrer la décharge, il reçoit une injonction de continuer par "l'autorité", représentée par un scientifique en blouse blanche qui lui dit "allez-y, ne vous inquiétez pas", ou bien "ne vous arrêtez pas, l'expérience doit continuer".
62,5% des sujets testés ont obéi jusqu'au bout à l'autorité qui leur ordonnait de continuer, même une fois le cobaye tombé dans le coma après une décharge de 300 volts. Et tous sont allés jusqu'à 130 volts alors que le questionné criait déjà de douleur.
Si la plupart des personnes agissent ainsi, c'est tout d'abord parce que dès l'enfance nous avons été conditionnés à obéir et à nous soumettre à l'autorité, celle des parents, de l'instituteur, puis celle de l'état, de la police ou du patron...
La deuxième raison est ce que Milgram appelait "l'agentisation". La personne est placée en position d'agent, d'exécutant. De ce fait, elle se sent déchargée de sa responsabilité.
Ainsi, même si ce qu'on lui demande entre en conflit avec ses valeurs personnelles, une personne ordinaire obéit aux ordres de l'autorité, quels que soient ces ordres.
Voici un extrait du film "I comme Icare" qui reproduit très fidèlement l'expérience de Milgram...
voir la vidéo
Dans la "Zone Xtrême", le candidat questionné est un comédien, mais celui qui pose les question est un vrai candidat, un télespectateur ordinaire qui croit jouer à un nouveau jeu TV.
Comme on pouvait s'y attendre, l'émission de France 2 a explosé les chiffres de l'expérience de Milgram: 80% des personnes testées sont allées jusqu'au bout.
D'abord parce que les candidats questionneurs étaient alléchés par la promesse d'un gain de 1 millions d'euros, ce qui n'était pas le cas dans l'expérience d'origine.
Ensuite parce que nous sommes dans une société plus déshumanisée et sans valeurs que celle des années 60.
De plus, en 1960, les horreurs du nazisme étaient encore fraiches et donc plus présentes dans les esprits. Avec le temps, les leçons de l'Histoire ont tendance à être oubliées, surtout quand les régimes au pouvoir favorisent l'amnésie collective.
Enfin, dans l'expérience de Milgram, "l'autorité" était représentée par des scientifiques. Or la télévision représente une "autorité" que les gens placent encore plus haut que la science.
Il n'a pas du être facile pour le réalisateur Christophe Nick d'obtenir la diffusion de ce documentaire car en amenant les gens à s'interroger sur l'obéissance à l'autorité et à douter de son bien-fondé systématique, il remet en cause un rouage essentiel du contrôle de la société.
C'est pourquoi la fin du documentaire et le débat ont recentré le débat sur la télévision, en faisant diversion avec un sujet périphérique qui éclipse le sujet de fond, à savoir les raisons pour lesquelles les gens commettent consciemment des actes contraires à leurs valeurs, en créant de la souffrance ou du malheur pour autrui, dès lors qu'ils obéissent à une "autorité" qui les décharge leur responsabilité personnelle.
Car dans le fond, l'expérience de Milgram est vécue chaque jour par des milliers de salariés des entreprises au nom de laquelle ils volent et trompent des clients, détériorent leur santé en leur vendant des produits toxiques, polluent ou enlaidissent l'environnement, exploitent d'autres salariés, mettent des gens à la rue, etc.
L'expérience de Milgram est vécue aussi par des milliers d'agents de l'état, en particulier par les policiers chargés d'appliquer la "politique du chiffre" et qui font quotidiennement subir l'expérience traumatisante de la garde à vue à des citoyens ordinaires pour des broutilles (avec menottage, fouille à nu, etc), ou qui obéissent à leur hiérarchie en tirant sur des manifestants avec des flashballs et des tasers qui ont déjà tué ou mutilé des personnes, ou ces policiers chargés de la répression routière et qui infligent des amendes routières exorbitantes pour des infractions mineures, en sachant qu'une majorité de personnes a des difficultés à boucler ses fins de mois...
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>En savoir plus sur l'expérience de Milgram
L'expérience de Milgram consistait à faire croire à deux cobayes qu'ils allaient participer à une expérience sur la mémoire. L'un devrait mémoriser une suite d'association de mot, puis l'autre l'interrogerait et lui administrerait un choc électrique en cas de mauvaise réponse. Un tirage au sort déterminait qui jouerait le rôle du questionneur et de l'interrogé.
Mais en réalité, l'un des cobaye est un comédien travaillant avec Milgram et le tirage au sort est truqué afin que le seul vrai cobaye soit dans le rôle du questionneur.
Très vite, le comédien se trompe dans les réponses, et le questionneur doit envoyer une décharge électrique de plus en plus forte à chaque nouvelle réponse erronée. Ca commence à 20 volts, en augmentant de 20 à chaque fois pour finir à une décharge mortelle de de 380 volts. Le questionneur ne peut pas voir celui qu'il interroge, placé dans un local séparé, mais grâce à un haut parleur, il entend ses réponses... ou ses cris de douleurs et ses supplications d'arrêter. Lorsqu'il hésite à administrer la décharge, il reçoit une injonction de continuer par "l'autorité", représentée par un scientifique en blouse blanche qui lui dit "allez-y, ne vous inquiétez pas", ou bien "ne vous arrêtez pas, l'expérience doit continuer".
62,5% des sujets testés ont obéi jusqu'au bout à l'autorité qui leur ordonnait de continuer, même une fois le cobaye tombé dans le coma après une décharge de 300 volts. Et tous sont allés jusqu'à 130 volts alors que le questionné criait déjà de douleur.
Si la plupart des personnes agissent ainsi, c'est tout d'abord parce que dès l'enfance nous avons été conditionnés à obéir et à nous soumettre à l'autorité, celle des parents, de l'instituteur, puis celle de l'état, de la police ou du patron...
La deuxième raison est ce que Milgram appelait "l'agentisation". La personne est placée en position d'agent, d'exécutant. De ce fait, elle se sent déchargée de sa responsabilité.
Ainsi, même si ce qu'on lui demande entre en conflit avec ses valeurs personnelles, une personne ordinaire obéit aux ordres de l'autorité, quels que soient ces ordres.
Voici un extrait du film "I comme Icare" qui reproduit très fidèlement l'expérience de Milgram...
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Dans la "Zone Xtrême", le candidat questionné est un comédien, mais celui qui pose les question est un vrai candidat, un télespectateur ordinaire qui croit jouer à un nouveau jeu TV.
Comme on pouvait s'y attendre, l'émission de France 2 a explosé les chiffres de l'expérience de Milgram: 80% des personnes testées sont allées jusqu'au bout.
D'abord parce que les candidats questionneurs étaient alléchés par la promesse d'un gain de 1 millions d'euros, ce qui n'était pas le cas dans l'expérience d'origine.
Ensuite parce que nous sommes dans une société plus déshumanisée et sans valeurs que celle des années 60.
De plus, en 1960, les horreurs du nazisme étaient encore fraiches et donc plus présentes dans les esprits. Avec le temps, les leçons de l'Histoire ont tendance à être oubliées, surtout quand les régimes au pouvoir favorisent l'amnésie collective.
Enfin, dans l'expérience de Milgram, "l'autorité" était représentée par des scientifiques. Or la télévision représente une "autorité" que les gens placent encore plus haut que la science.
Il n'a pas du être facile pour le réalisateur Christophe Nick d'obtenir la diffusion de ce documentaire car en amenant les gens à s'interroger sur l'obéissance à l'autorité et à douter de son bien-fondé systématique, il remet en cause un rouage essentiel du contrôle de la société.
C'est pourquoi la fin du documentaire et le débat ont recentré le débat sur la télévision, en faisant diversion avec un sujet périphérique qui éclipse le sujet de fond, à savoir les raisons pour lesquelles les gens commettent consciemment des actes contraires à leurs valeurs, en créant de la souffrance ou du malheur pour autrui, dès lors qu'ils obéissent à une "autorité" qui les décharge leur responsabilité personnelle.
Car dans le fond, l'expérience de Milgram est vécue chaque jour par des milliers de salariés des entreprises au nom de laquelle ils volent et trompent des clients, détériorent leur santé en leur vendant des produits toxiques, polluent ou enlaidissent l'environnement, exploitent d'autres salariés, mettent des gens à la rue, etc.
L'expérience de Milgram est vécue aussi par des milliers d'agents de l'état, en particulier par les policiers chargés d'appliquer la "politique du chiffre" et qui font quotidiennement subir l'expérience traumatisante de la garde à vue à des citoyens ordinaires pour des broutilles (avec menottage, fouille à nu, etc), ou qui obéissent à leur hiérarchie en tirant sur des manifestants avec des flashballs et des tasers qui ont déjà tué ou mutilé des personnes, ou ces policiers chargés de la répression routière et qui infligent des amendes routières exorbitantes pour des infractions mineures, en sachant qu'une majorité de personnes a des difficultés à boucler ses fins de mois...
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